Les trains du temps de paix peuvent-ils répondre aux besoins du temps de guerre ? Une préoccupation croissante en Norvège

Un nouveau rapport de la Direction des chemins de fer norvégiens a soulevé des inquiétudes quant à la capacité des chemins de fer norvégiens à répondre aux futurs besoins militaires et logistiques d’urgence. Les grands titres de la presse norvégienne se concentrent sur les nouveaux trains Stadler qui n’ont pas de locomotives séparées, ce qui signifie qu’il n’est pas possible de les utiliser pour des besoins militaires. Avec la montée des tensions et l’adhésion des voisins de la Norvège à l’OTAN, le pays est devenu une plaque tournantestratégique pour les mouvements militaires dans la région nordique.
Le rapport du Jernbanedirektoratet met en évidence les faiblesses critiques de l’infrastructure ferroviaire et du matériel roulant actuels de la Norvège, et prévient que les décisions actuelles risquent d’entraver la capacité logistique du fret et de la défense dans les années à venir.
L’une de ces décisions est l’acquisition de nouveaux autocars Stadler par Norske tog, l’entreprise publique chargée de louer le matériel roulant pour les opérateurs de transport de passagers sur les rails norvégiens. Les nouveaux trains remplaceront 17 trains actuellement en service, composés de locomotives et de wagons,
La motrice des trains commandés ne peut pas être découplée pour le fret et ne peut donc pas transporter de matériel militaire. Cette acquisition signifie que la capacité des locomotives à transporter du fret et du matériel de défense sera réduite à l’avenir, indique le rapport. La direction des chemins de fer prévient que cela pose « un défi important en matière de préparation ». Lors des futurs achats de matériel roulant, il conviendrait d’adopter une approche holistique et de prendre en compte les besoins en matière de préparation aux situations d’urgence dans les achats, conseille la Direction.
Un pays de transit sous pression
Avec l’expansion de l’OTAN dans le nord, avec l’adhésion de la Suède et de la Finlande, depuis l’escalade de la guerre en Ukraine par la Russie, la Norvège se retrouve aujourd’hui comme un pays de transit est-ouest crucial pour les forces et le matériel alliés. Cette situation accroît l’importance stratégique des corridors est-ouest tels que Ofotbanen/Malmbanen, Meråkerbanen, Kongsvingerbanen et Østfoldbanen, qui s’ajoutent aux itinéraires nord-sud déjà bien établis.
Pour répondre à ces nouveaux rôles, la direction recommande une planification coordonnée des pays nordiques, des exercices militaires conjoints, une logistique partagée et des stratégies d’entraînement unifiées. Le rapport souligne que la préparation opérationnelle dépend également d’un personnel formé, en particulier pour les mouvements transfrontaliers de fret militaire.
L’un des principaux obstacles logistiques réside dans la vétusté des wagons de marchandises qui dominent le parc ferroviaire norvégien. Ils sont souvent incapables de transporter des équipements militaires modernes, tels que le char Leopard 2 (pesant environ 62 tonnes) ou le système d’artillerie K9 Thunder (47 tonnes).
Bane NOR s’efforce désormais d’acquérir des wagons de grande capacité capables de transporter des charges aussi lourdes. Une acquisition conjointe avec l’administration suédoise du matériel de défense est envisagée, ce qui permettrait de partager l’utilisation et la maintenance des wagons, un arrangement que le ministère norvégien de la défense préfère à la propriété directe.

L’ERTMS, un risque ?
La guerre moderne étant de plus en plus hybride et les cyberattaques constituant un risque possible, le système ferroviaire devrait disposer de sauvegardes en cas de défaillance des systèmes numériques. La Direction des chemins de fer s’intéresse également au système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) : « L’ERTMS impliquera généralement une nouvelle interface numérique, et toutes les interfaces numériques présentent un risque dans la société numérisée d’aujourd’hui ».
La Direction souligne que les opérations manuelles de secours à faible vitesse doivent rester possibles en cas de défaillance des systèmes numériques, en particulier à la lumière des menaces de cybersécurité et de la dépendance à l’égard d’un approvisionnement stable en électricité. « Il doit y avoir une solution de repli robuste pour assurer la continuité des opérations ferroviaires en cas de défaillance de l’ERTMS », indique le rapport. Il préconise également un renforcement de la formation, du personnel et de la planification stratégique afin de préserver les opérations dans de tels scénarios. Alors que la Norvège déploie l’ERTMS, le personnel doit être qualifié à la fois pour la conduite numérique et la conduite manuelle des trains, indique le rapport.
Lacunes dans la logistique de défense
La direction des chemins de fer souligne également la nécessité de simplifier les réglementations européennes en matière de transport militaire combiné, afin de permettre au personnel et à l’équipement de voyager ensemble de manière plus efficace. Elle demande que des mises à jour soient apportées aux contrats commerciaux afin de garantir que les besoins militaires puissent être satisfaits en cas d’urgence, en incluant des clauses de force majeure plus claires.
Il n’existe pas de mécanismes centraux pour coordonner les accords et garantir la disponibilité des trains de marchandises, qui sont essentiels pour la défense, déclare la direction. L’absence d’une vue d’ensemble consolidée des besoins en matériel roulant, ainsi que des accords fragmentés, pourraient nuire à une mobilisation rapide.
Au-delà des opérations militaires, le rapport note que le rail peut jouer un rôle crucial dans l’évacuation des civils en cas de crise. « Bien qu’il soit souvent perçu comme un risque, le chemin de fer présente un potentiel important et sous-utilisé en tant que solution pour les évacuations civiles à grande échelle, car il offre une alternative plus sûre et mieux organisée que l’utilisation de véhicules privés. Il est également essentiel pour le transport de biens essentiels tels que la nourriture et les médicaments », indique le rapport.
Appel à la constitution de stocks stratégiques
Enfin, la Direction recommande de constituer des stocks d’urgence de pièces essentielles, telles que les roues de train, et suggère de développer des réserves communes aux pays nordiques. Elle préconise également un examen complet des ateliers de maintenance et des chaînes d’approvisionnement afin d’évaluer leur capacité à rétablir les opérations après une perturbation.
Si elle n’agit pas, la Norvège risque de ne pas répondre aux attentes logistiques que lui impose son rôle croissant au sein de l’OTAN. Le rapport délivre un message clair : l’investissement stratégique dans le rail n’est pas seulement une question d’infrastructure, mais aussi d’acquisition de matériel roulant, de contrats, de personnel et de maintenance.
Lire la suite :
- Nous sommes intéressés, mais il n’y a toujours pas d’accord : La Norske Tog piétine sur la location de locomotives de fret pour la Nordland Line, une ligne à moitié saturée.
- Bonne nuit au rail russe : La Finlande s’engage à passer à l’écartement standard de l’UE « maintenant ou jamais