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Quand le train devient un Internet des Objets

Photo : Deutsche bahn

La maintenance prédictive est devenue le nouveau graal des constructeurs de matériel roulant ferroviaire.

Il s’agit en effet de produire un schéma de maintenance adapté aux besoins réels du matériel roulant. Le but est d’éviter de mettre en atelier des rames qui n’en avaient pas besoin ou, à contrario, de prévoir une entrée imprévue en atelier suite à la détection d’une possible panne imminente. Pour cela, les trains doivent devenir des IoT, des Internet of Things.

De la prévention à la prédiction

Jusqu’ici, la maintenance du matériel roulant était essentiellement préventive : après X milliers de kilomètres, une rame doit rentrer en atelier pour une vérification de l’usure des essieux. Mais les essieux sont-ils tous usés après un kilométrage arbitraire ? Souvent, on vous répondra que oui, sur base de l’expérience passée et d’un certain nombre d’analyses.

Au début des années 70, à la SNCF, la politique de maintenance a privilégié l’ergonomie de l’homme au travail en prévoyant dans toute la mesure du possible le travail de jour et sur la semaine, même si cela consommait du parc de matériel.

Cette politique centrée sur les travailleurs a pris fin dans les années 90-2000. Chaque immobilisation est un facteur de coût puisque pendant son temps en atelier, un train ne rentre plus dans le système commercial, étant donné que les sièges ne sont pas vendus.

Bien entendu, l’astuce consiste à remplacer la rame à l’arrêt par une rame apte pour le service. Mais la multiplication de cette solution fait que pour un service donné, vous avez par exemple besoin de 20 rames, sachant que 3 sont à l’atelier.

Or, avec la maintenance prédictive, on pourrait envisager que vous n’ayez besoin que de 16 rames, une ou deux étant susceptibles d’être à l’atelier et constituant une réserve en cas d’incident soudain.

Ne pas acheter 4 rames supplémentaires constitue évidemment un progrès pour de petits opérateurs, mais il suppose que vous ayez un programme de maintenance très pointu pour assurer une disponibilité maximale, variable dans le temps.

Les constructeurs ont donc compris l’importance de rendre leurs produits ferroviaires plus « digitaux ». Mais pas seulement pour le service opérationnel des opérateurs.

Un nouveau business

L’intégration de la maintenance prédictive prévue dès la phase de conception du produit doit surtout aussi permettre, par le constructeur, la collecte des données et d’optimiser les développements logiciels en y intégrant les capteurs adéquats.

En clair, la collecte de données permet au constructeur de répondre à la garantie qu’il offre sur son matériel roulant, et de voir les éventuels défauts qu’il peut corriger instantanément.

C’est la raison pour laquelle beaucoup de constructeurs proposent un contrat de vente assorti de la maintenance. Une opération win-win car l’opérateur doit moins se soucier de la disponibilité des rames, garantie par contrat. Et l’industriel met directement la main sur des données techniques capitales pour améliorer ses produits.

Avec cette définition, le marketing migre vers de nouveaux business model orientés vers la « maintenance-en-tant-que-service », le constructeur jouant alors le rôle crucial de fournisseur de solution ‘clés en main’.

En quoi consiste cette maintenance prédictive ? Il s’agit par exemple de la surveillance des batteries de train, du monitoring à distance de l’état des portes ou encore de surveiller les éléments critiques, comme les essieux, pression d’huile ou autres éléments importants.

En Pologne, Alstom a par exemple installé le TrainScanner, qui utilise des caméras 3D et des lasers qui permettent automatiquement la maintenance conditionnelle et prédictive des roues, des plaquettes de frein et des bandes de carbone du pantographe ainsi que des sous-châssis et des coques de carrosserie des rames Pendolino.

Après inspection automatisée, les données sont transmises à la plateforme HealthHub d’Alstom, qui traduit les données brutes en informations exploitables, en utilisant des algorithmes basés sur des règles, conduisant au calcul d’un indice de santé pour chaque actif.

En plus des traditionnels multimètres et oscilloscopes, les travailleurs accèdent aux relevés des nombreux capteurs présents dans chaque train, mais aussi à leur historique, en se connectant directement aux rames via son ordinateur portable : une précieuse aide au diagnostic ! Le logiciel utilisé permet de visualiser l’état du parc de matériels roulants, lorsque les trains sont sous couverture Wifi et peuvent partager des données.

L’humain n’est pas oublié

Mais comme toujours, quand il s’agit du secteur digital, il faut beaucoup de pédagogie. « Trop de nos techniciens vont encore vérifier un train de manière visuelle », confiait un opérateur.

La maintenance, c’est aussi un personnel formé.  Pour avoir un technicien autonome, formé sur une spécialité et ayant assimilé toutes les spécificités de la maintenance ferroviaire, entre 3 et 5 années de travail sont nécessaires, selon certaines sources. Un peu moins selon d’autre. Le sujet est sensible…

Si le digital est souvent (trop) perçu comme un « mangeur d’emploi », il peut au contraire être un ascenseur social, même si cela suscite des craintes chez les non-diplômés. Le simple ouvrier n’existe plus dans la maintenance. La sophistication des opérations a transformé le métier vers celui de technicien, nettement plus valorisant.

La digitalisation des trains est en marche et va aller en s’accentuant. Autant s’y préparer pour faire du rail un outil de transport d’avenir.

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Auteur: Frédéric de Kemmeter