La France autorise la vente de Transdev aux Allemands, rompant ainsi le contrôle de l’État sur le concurrent de la SNCF

La France a officiellement autorisé la vente d’une participation de 32 % dans l’opérateur de transport Transdev au conglomérat allemand Rethmann, qui devient ainsi actionnaire majoritaire. Cette décision, qui marque une étape décisive dans la privatisation de l’un des principaux acteurs du transport international en France, risque d’attiser les tensions dans le pays, Transdev tentant d’entamer la domination de la SNCF.
Un décret publié au Journal officiel samedi confirme que Bercy, le ministère français de l’économie, a approuvé la vente de plus de 36 millions d’actions du groupe Transdev à Rethmann France. La participation a été vendue par la Caisse des Dépôts (CDC), institution financière soutenue par l’Etat, pour 450 millions d’euros, Transdev étant valorisé à 1,4 milliard d’euros. Le groupe allemand détiendra désormais 66 % de la société, la CDC conservant 34 %.
Transdev passe ainsi pour la première fois du statut d’opérateur semi-public à celui d’entreprise privée, mettant fin à une période où elle servait de contrepoids à la SNCF sous l’influence de l’État. Bien que Transdev ait longtemps fonctionné comme une entreprise de transport à vocation commerciale, la participation majoritaire de la CDC depuis 2017 lui a donné une solide ossature publique française – qui s’est affaiblie non pas par un désinvestissement formel jusqu’en 2024, mais au fur et à mesure que Transdev s’orientait de plus en plus vers les marchés internationaux.

Le décret de privatisation stipule que la direction actuelle de Transdev restera en place, la société ayant également déclaré dans le passé que son siège social resterait en France. Rethmann, dont les participations couvrent les secteurs du recyclage, de la logistique, de l’eau et de l’alimentation en Allemagne, s’est apparemment engagé à assurer une continuité à long terme, tant au niveau des opérations que de la direction. Il est également prévu qu’il reçoive un paiement supplémentaire sur le dividende de 2026, lié à la performance de Transdev en 2025.
Pas le meilleur actionnaire majoritaire
La vente était annoncée depuis la fin de l’année 2024, lorsque le PDG de la CDC, Eric Lombard – aujourd’hui ministre français de l’économie – a déclaré publiquement que l’institution n’était plus le « meilleur actionnaire majoritaire » pour une entreprise dont la croissance était de plus en plus tirée par les marchés étrangers. Aujourd’hui, Transdev ne réalise plus qu’un tiers de son activité en France.
En effet, suite à l’acquisition en 2023 de l’opérateur américain First Transit, Transdev est devenu le plus grand opérateur privé de transport public en Amérique du Nord, employant plus de 100 000 personnes dans 19 pays. En 2024, le groupe dépasse les 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, affiche un résultat d’exploitation en hausse de 31 % à 222 millions d’euros et double son résultat net malgré des dépréciations d’actifs.
Plusieurs prétendants auraient approché la CDC au cours du processus de vente, mais Rethmann a été choisi pour son alignement sur la structure existante de Transdev, la CDC citant la « continuité de l’actionnariat » comme un facteur décisif.
De la fierté publique au contrôle étranger
Le soutien partiel de l’État à Transdev, créé en 1992 et élargi par une fusion avec Veolia Transport en 2011, a toujours été en partie une décision politique ; c’était un moyen de façonner le modèle de transport public français tout en concurrençant la SNCF sur les lignes nationales et étrangères. Cependant, avec un actionnaire majoritairement allemand et un conseil d’administration de plus en plus indépendant du contrôle de l’État français, les ambitions de Transdev d’accroître son empreinte sur le marché ferroviaire régional français en cours de libéralisation prennent aujourd’hui une nouvelle signification.
En effet, Transdev est devenu l’exemple type de l’expérience prudente de la France en matière de libéralisation du rail – et de ses défis. En 2021, elle a battu la SNCF et Thello de Trenitalia lors d’un appel d’offres historique pour l’exploitation de la ligne TER Marseille-Nice, dont le lancement est désormais prévu le 29 juin 2025. Ce contrat de dix ans et de 50 millions d’euros marquait la première fois qu’un service ferroviaire régional français était géré par un opérateur autre que l’opérateur historique national.
Des débuts difficiles en France
Mais les progrès ont été laborieux. Comme l’a rapporté RailTech au début de l’année, seuls huit des seize nouveaux trains Alstom Omneo seront livrés à temps pour le lancement. Les régions françaises n’étant pas disposées à retarder la transition, Transdev s’approvisionne en matériel roulant supplémentaire par le biais de contrats de location interrégionaux, tandis que les syndicats continuent de critiquer l’idée que la SNCF prête des trains à son rival privé.
Néanmoins, Transdev insiste sur le fait qu’elle est prête. La société a reçu la première unité à la mi-mai et s’est engagée à lancer 14 allers-retours quotidiens et à doubler la fréquence du service dès le premier jour. Elle a également soumis des offres pour plusieurs lots de bus de la RATP en région parisienne et participe de manière sélective à d’autres appels d’offres TER.
Alors que l’entreprise prend ses distances avec l’État et cherche à prouver sa valeur en tant qu’alternative plus légère et dirigée par des étrangers, la bataille avec la SNCF devrait s’intensifier, non seulement sur les rails, mais aussi dans l’imagination politique de ce à quoi devrait ressembler l’avenir du chemin de fer français. Malgré le refus de la SNCF, la libéralisation du rail semble être officiellement au menu en France.
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