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Diao conduisant un train (Photo: Infrabel)

Balde Diao : le “couteau suisse” d’Infrabel

Diao conduisant un train (Photo: Infrabel)

Premier conducteur de train technique, conducteur de la plus grande grue ferroviaire d’Infrabel et chef d’équipe sur des chantiers, Balde Diao est un véritable “couteau suisse” qui “ne changerait de métier pour rien au monde”, affirme-t-il dans un entretien avec RailTech Belgique.

Diao est arrivé à Infrabel il y a 5 ans, en 2018, sans encore de qualifications techniques, « et c’est la belle histoire depuis », témoigne-t-il. Il a été entièrement formé en interne par Infrabel. En effet, « Lorsqu’on recherche des profils techniques, on pêche tous dans le même étang », explique le porte-parole d’Infrabel, Frédéric Sacré. « On ne s’improvise pas électromécanicien. Ainsi, le marché nous offre peu de choix, alors que beaucoup ont énormément de volonté et le talent nécessaire pour se faire une place dans notre entreprise. Diao fait donc partie des recrues sans bagage technique, qui ont été ensuite formées par Infrabel, » continue-t-il.

Actuellement, Diao est responsable des chantiers sur lesquels la grue intervient, du chef d’équipe chargé de l’avancement des travaux, de l’équipe et du matériel utilisé (comme les aiguillages posés lors des renouvellements). “À côté, je continue aussi de conduire des trains sur des parcours dans le cadre de chantiers ou non. À côté de cela aussi, il arrive que je monte dans la grue comme grutier,” ajoute Diao. Avec son profil unique, il est ainsi un véritable “couteau suisse” du gérant de l’infrastructure ferroviaire belge.

Diao est rentré à Infrabel en tant qu’Opérateur Conducteur Infrabel (OCI) – ce titre de métier n’existe cependant plus. Il est depuis monté en grade en tant que “Technical Train Driver” (conducteur de train technique) puis “First Technical Train Driver” (Premier conducteur de train technique). En parallèle, il est aussi opérateur de la plus grande grue ferroviaire utilisée par Infrabel sur des chantiers – qui a une charge maximale de 150 tonnes – et chef d’équipe sur des chantiers. Diao fait d’ailleurs partie de seulement 3 individus qualifiés à ce poste chez Infrabel.

Diao conduisant une grue ferroviaire (Photo: Infrabel)
Diao conduisant une grue ferroviaire (Photo: Infrabel)

Différentes casquettes

Pas de journée typique dans le travail de Diao. « Cela va dépendre de la casquette que je porte ce jour-là. Chef grutier, chef de chantier, conducteur de trains… Cela dépend énormément,” explique Diao. “Exceptionnellement, je fais aussi la cuisine dans le train dortoir, pour mes collègues,” ajoute-t-il avec humour. Cela fait d’ailleurs partie de ce qu’il apprécie dans son travail, dans le sens où : “Ce qui est bien chez nous, c’est qu’on est très polyvalent et que chacun donne de soi, » ajoute-t-il.

“Être conducteur chez Infrabel n’est pas le même métier que conducteur à la SNCB. Ce n’est pas seulement être conducteur, c’est être membre d’une équipe de travail,” dit Diao. Son rôle s’étend bien plus loin que de conduire le train de travaux jusqu’au chantier. « Il y a beaucoup d’autres missions une fois sur le chantier, comme mettre les voies hors services, et les caténaires hors tension. Une fois que tout est prêt et que le chantier peut commencer, je quitte ma locomotive, et je rejoins mes collègues. Pendant tout le chantier, je participe activement à l’exécution des travaux,” exprime Diao.

Diao et son équipe sur un chantier d'Infrabel (Photo: Infrabel)
Diao et son équipe sur un chantier d’Infrabel (Photo: Infrabel)

Série de formations en interne

Diao n’a pas suivi une formation typique. « Je n’avais jamais travaillé avant de rejoindre Infrabel, mis à part du bénévolat à La Croix-Rouge. Je faisais des études à la faculté de chimie de l’ULB, et puis de médecine, cependant cela ne me correspondait pas, » explique Diao. C’est grâce à une vidéo publicitaire d’Infrabel sur Youtube qu’il a découvert les Bourreuses d’Infrabel. « Ce sont les machines qui viennent stabiliser les voies en faisant vibrer le ballast avec des dents pour le rendre plus solide. Quand j’ai vu cette vidéo de chantier, cela m’a immédiatement intéressé. Je m’y voyais déjà, » dit Diao.

Après avoir postulé, il s’est rendu à un ‘Job day’ au centre de maintenance de « Petite Ile » situé à Anderlecht. « Là, ils ont eu confiance en moi, en ma motivation, et m’ont engagé comme opérateur-conducteur de rang 7. Au début, je ne savais même pas mettre des gants. D’ailleurs, le premier jour, je les ai mis à l’envers, ce qui a bien fait rire l’équipe. J’ai appris auprès de l’équipe, et avec les multiples formations internes, » avoue Diao. « On commence à la base, avec une formation de sécurité en bord de voies, intitulée ‘De la caténaire au ballast,’” présente Diao. Cette formation est suivie par tous les nouveaux entrants chez Infrabel, qu’ils soient conducteurs, techniciens, ou même comptables.

'Job Day' Infrabel en 2017 (Photo: Infrabel/ Benjamin Brolet)
‘Job Day’ Infrabel en 2017 (Photo: Infrabel/ Benjamin Brolet)

Diao a aussi fait une formation d’agent d’escorte de deux semaines. “J’ai ensuite fait ma première formation de conducteur en 2019. Cette formation de la SNCB dure environ 11 mois, et demande beaucoup d’études. Je suis ainsi devenu conducteur de trains de travaux.” Déléguée à la SNCB depuis des années, Infrabel va à nouveau reprendre en main cette formation de conducteur avec l’Infrabel Académie. Enfin, “Pour ma formation de train-grue, je me suis rendu en Allemagne, à Leipzig, pendant une semaine, chez Kirow Ardelt qui fabrique les grues. C’était vraiment une expérience formidable, » témoigne Diao.

Diao conduisant une grue ferroviaire (Photo: Infrabel)
Diao conduisant une grue ferroviaire (Photo: Infrabel)

“Métier de rêve”

Selon M. Diao, l’une des raisons pour lesquelles les jeunes sont moins nombreux à suivre cette voie professionnelle aujourd’hui est que beaucoup ne savent pas à quel point elle est accessible. « Beaucoup de personnes pensent que pour travailler dans le rail, il faut absolument être mécanicien, mais pas du tout. Ce n’est pas nécessaire d’avoir de grands diplômes pour travailler dans l’industrie. Par exemple, pour être conducteur de train, il faut son CESS (fin du secondaire) et un permis de conduire B, avant de pouvoir suivre la formation. C’est donc à la portée de beaucoup de jeunes, de beaucoup de personnes, mais ils ne sont pas au courant, » insiste-t-il.

L’initiative « Job Day: Un jour un contrat » d’Infrabel, lancée en 2017, visait à remédier à cette méconnaissance. Après une présélection, les candidats étaient conviés à des journées où ils pouvaient échanger avec des ambassadeurs de divers postes. Une fois leur intérêt confirmé, ils passaient devant un jury pour des tests d’aptitude. Infrabel tentait ainsi de répondre à la pénurie de main-d’œuvre à laquelle est confrontée l’ensemble de l’industrie ferroviaire, car « les domaines techniques ne semblent plus attirer autant de jeunes », selon Frédéric Sacré, porte-parole d’Infrabel.

Enfin, Diao souligne également le potentiel d’ »Aller dans les domaines où les jeunes se trouvent, avec par exemple, le domaine des réseaux sociaux, collaborer avec des écoles, avoir des ambassadeurs qui sont eux-mêmes jeunes…” Il conclut en avouant: “Moi sincèrement je me voyais chimiste ou bien médecin, je ne pensais pas suivre cette voie, mais je pense maintenant que c’est mon métier de rêve, mon destin même. Si j’avais tout à refaire, je vous assure que j’aurais directement postulé à Infrabel après l’enseignement secondaire. »

Auteur: Emma Dailey