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Visé-Montzen-Allemagne : pourquoi cette ligne est si importante

Photo : Infrabel

Cette ligne construite pour faire la guerre est aujourd’hui un axe majeur de développement économique.

Elle est loin, au fin fond de la Belgique, elle est peu connue du grand public, et pour cause : la L24 qui relie Tongres à la frontière allemande ne connait aucun trafic voyageurs. De quoi parle-t-on ?

Construite 1915, la L24 est une ligne exclusivement destinée aux trains de marchandises. Elle passe entre Liège et Maastricht pour se diriger ensuite vers Aix-la-Chapelle, dans la gare Ouest de la ville allemande, une gare qui réceptionne les trains de marchandises provenant de Belgique.

L’affaire remonte au XIXème siècle, quand la Bergisch-Märkische Eisenbahn-Gesellschaft met en service la ligne Aachen-Bleyberg-Welkenraedt, avec le tunnel de Gemmenich et ses 869 mètres de long. La rampe menant d’Aix-la-Chapelle au tunnel a une pente de 17 ‰, ce qui n’était pas rien à l’époque des trains à vapeur.

Au début du XXème siècle, les gouvernements belge et prussien s’accordèrent pour améliorer les liaisons ferroviaires entre la Belgique et la Prusse, mais aucun projet ne permit de renforcer cet axe.

Ce n’est qu’en pleine Première guerre mondiale que l’armée allemande construisit une ligne plus directe devant alimenter le front en Flandres. La ligne L24 était née, et avec elle deux remarquables ouvrages d’art.

InfrabelCarte de la L24 (OpenStreetMap via wikipedia)

Deux viaducs

Un pont-rail d’une longueur inédite à l’époque fut rapidement construit juste à côté du village de Moresnet. Composé de 22 tabliers métalliques à double voie pesant chacun 260 tonnes, de deux culées, de cinq piles-culées et de seize piles ordinaires en béton armé, il fut l’oeuvre des prisonniers russes.

Le viaduc fut rénové entre 2003 et 2005 à la faveur aussi d’une électrification en 3kV DC jusqu’à un peu avant la frontière où c’est le 15kV allemand qui domine.

Un autre viaduc, appelé « Pont des Allemands », traverse la Meuse à Visé. Son tablier a été récemment remplacé.

Un axe majeur pour Anvers et Zeebrugge

Plus d’une centaine de trains de marchandises passent quotidiennement sur cette L24. Il s’agit d’un axe ferroviaire majeur qui fait partie en Europe d’un des 9 corridors de fret réservé aux flux marchandises.

Mais pourquoi ne pas passer par Verviers et Welkenraedt ? Précisément parce que la section entre Hergenrath – dernière gare belge -, et Aix-la-Chapelle comporte une pente trop importante (Aachen-Süd), que n’empruntent aujourd’hui que les trains Thalys, ICE et SNCB.

Le trafic marchandises est donc reçu en gare d’Aachen-West, et non à la Hauptbahnhof. Aachen-West est un relais important pour les conducteurs belges. C’est là qu’on change éventuellement de locomotive si nécessaire. Les belges qui y arrivent reviennent au pays avec un autre train de retour.

L’arrivée des trains à Aachen-West, qui regardent vers le nord, impose un rebroussement si on veut rejoindre Cologne. il y a donc pas mal de manoeuvres et la gare est relativement encombrée.

La route vers l’Italie

Aix-la-Chapelle est de toute manière la porte d’entrée vers la route du Rhin. Il faut le reconnaître : les facilités offertes par l’Allemagne pour laisser rouler n’importe quel opérateur dans le cadre de la libéralisation ont fait qu’une bonne partie des flux Belgique-Italie passent par la L24 et le long du Rhin pour rejoindre Bâle et l’Italie, plutôt que par l’Athus-Meuse (Virton) et la France.

D’un autre côté, la L24 est aussi le passage obligé actuel dans les meilleures conditions pour joindre Anvers à l’Allemagne, car le projet de Rhin d’acier (via Neerpelt et les Pays-Bas), semble aujourd’hui un dossier plutôt figé.

Construite pour faire la guerre, la L24 est aujourd’hui un axe majeur de développement économique.

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Auteur: Frédéric de Kemmeter